Exposition

INTRODUCTION
Le travail forcé fut un élément essentiel de la Seconde Guerre mondiale. L’Allemagne nazie et d’autres régimes fascistes en Europe, mais également le Japon, l’Union soviétique et les pouvoirs coloniaux en Afrique ont utilisé le travail forcé.

Le travail forcé durant la Seconde Guerre mondiale a beaucoup préoccupé les historiens qui ont produit ces trente dernières années une multitude d’études, d'expositions et de colloques. Aujourd’hui, le sort des treize millions de travailleurs forcés en Allemagne nazie est fortement ancré dans l’historiographie et dans la conscience collective de la société allemande.

Or, des millions d’Européens de Brest à l’Algérie, de la Scandinavie à la Russie ont également connu le travail forcé pour le IIIe Reich et ses satellites. Mais le phénomène du travail forcé dans « l’Europe d’Hitler » est peu étudié et demeure tributaire de la recherche et de la mémoire dans chaque pays.

Durant la Seconde Guerre mondiale, il y avait aussi des travailleurs forcés espagnols en Europe. Un groupe de travailleurs forcés peu étudié sont les réfugiés de la Guerre d'Espagne, stigmatisés par le régime nazi comme « Espagnols rouges » et mis au travail par Vichy et par l'occupant allemand. L'exposition qui suit retrace l‘histoire de ces travailleurs forcés espagnols oubliés en France et en Espagne, alors qu’en Allemagne ils furent reconnus victimes du nazisme en 1970.
LE TRAVAIL FORCE DANS LE IIIe REICH
Le 1er septembre 1939, le IIIe Reich allemand déclenche la Seconde Guerre mondiale en attaquant la Pologne. Adolf Hitler veut conquérir de « l'espace vital à l'Est » et établir un nouvel ordre européen sous domination allemande. Or, la mobilisation des travailleurs allemands sur le front entraîne une pénurie considérable de main-d'œuvre et devient un problème stratégique pour l'économie de guerre nationale- socialiste. 

Cette pénurie de main-d'œuvre est compensée par l'utilisation forcée de plus de 13 millions d'étrangers. Dans un premier temps, les prisonniers de guerre sont obligés de travailler. À partir de 1942, des travailleurs civils de toute l'Europe sont déportés vers le IIIe Reich (Reichseinsatz). Dès 1943, les SS « prêtent » finalement les détenus des camps de concentration à l'industrie de guerre.

Les organisateurs du travail forcé dans « l'Europe Hitlérienne » sont la Wehrmacht, les agences pour l'emploi, les entreprises des SS, l'Organisation Todt et, à partir de 1942, un « Plénipotentiaire pour le Reichseinsatz », le dignitaire nazi Fritz Sauckel, ainsi que les régimes satellites de l'Allemagne. L’ensemble de l’économie allemande bénéficie du travail forcé des étrangers. Leurs conditions de vie et de travail restent tributaires de l'idéologie raciste du régime nazi. Les « travailleurs de l'Ouest » sont relativement bien traités, alors que les « travailleurs de l'Est » sont sévèrement exploités et les juifs sont condamnés à « l'extermination par le travail ».

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, environ 100 000 réfugiés politiques de la Guerre d’Espagne ont également été, en raison de leurs opinions politiques, victimes de l'internement, de la déportation et du travail forcé en France et en Allemagne.
LA GUERRE D'ESPAGNE
En juillet 1936, le 17 (protectorat espagnol au Maroc) et le 18 (Espagne), la conjuration préparée par des généraux factieux dès les élections législatives de février se concrétisent en coup d’état contre le gouvernement de front populaire démocratiquement élu. L’armée rebelle dirigée notamment par les généraux Sanjurjo, Mola et Franco tentent de renverser le gouvernement de la Seconde République. Celle-ci, depuis son instauration le 14 avril 1931, mène un vaste programme de modernisation : institutionnelle (prise en compte des spécificités régionales), économique, sociale, éducative et culturelle. 

Cette politique progressiste se heurte aux forces conservatrices qui la perçoivent comme une menace pour leur privilèges et l’intégrité de la Nation espagnole. L’Eglise catholique bénit et soutient Franco et sa « croisade » contre ce qu’elle considère comme l’Anti-Espagne. Bien que dans un premier temps, le coup d’état échoue grâce à la résistance populaire, le combat entre les deux parties devient inégal avec le soutien international massif de l’Allemagne nazie, de l’Italie et du Portugal fascistes. Hitler et Mussolini envoient des troupes, de l'artillerie et des avions en Espagne, tandis que les démocraties européennes refusent tout soutien à la Seconde république espagnole. Seuls l'URSS et les volontaires du monde entier, engagés dans les Brigades internationales, apportent leur soutien à la jeune République.

La Guerre d’Espagne polarise l'opinion publique internationale. Pour les progressistes, c'est une lutte entre démocratie et fascisme, pour les conservateurs entre civilisation catholique et communisme.La victoire finale de Franco en avril 1939 laisse un bilan désastreux : un demi-million de morts, plus d’un demi-million de réfugiés, un pays en ruine et une dictature qui durera presque quarante ans.
Fuite en France
 
La retraite des républicains devant les troupes franquistes a lieu en plusieurs exodes. A la fin de la guerre, l’hiver 1939, près d'un demi-million de soldats, femmes, enfants et vieillards fuient devant la coalition internationale à travers les Pyrénées. Durant plusieurs semaines, des milliers de réfugiés se dirigent jour et nuit vers la frontière française sur un front d’une centaine de kilomètres.

Cette masse immense de réfugiés antifascistes inquiète le gouvernement français qui les accueille à la frontière avec l´armée, les désarme et les interne dans des camps improvisés sur les plages d'Argelès-sur-Mer, de Saint-Cyprien et du Barcarès.
                                
Témoignage de Mariano Constante :
« Notre camion roulait  lentement, à cause des destructions sur la route, des véhicules abandonnés, des animaux errants, des militaires et civils, des personnes âgées, des femmes, des enfants, des soldats blessés qui perdaient leur sang, des invalides aux membres amputés qui marchaient lentement, certains - les plus chanceux - sur un mulet ou sur une charrette à âne, c'était un spectacle vraiment décourageant. »
Internement en France
 
Début 1939, au cours d’un hiver particulièrement rude, plus de 300 000 réfugiés de la guerre d'Espagne, creusent des trous dans le sable des plages afin de se protéger des intempéries. 15 000 d’entre eux meurent dans les premiers mois des suites de conditions sanitaires déplorables.
Afin de soulager les premiers camps, le gouvernement français en construit de nouveaux dans le sud de la France. Dès 1940, ces camps reçoivent en plus des « Espagnols rouges », des ressortissants des états ennemis et des communistes.

Les plus grands camps sont construits au Barcarès, Agde, Gurs et Rivesaltes. La grande majorité des réfugiés rentre en Espagne, quelques milliers émigrent en Amérique latine.Début  1940, environ 140 000 réfugiés espagnols  demeurent encore en France dont 40 000 femmes et enfants. Les « Espagnols rouges » sont les premiers internés de la Seconde Guerre mondiale en France.

Volontaires sur le front
 
En avril 1939, le gouvernement français décide d'utiliser tous les réfugiés étrangers soit comme travailleurs dans l'industrie de guerre, soit comme soldats sur le front.

Par décret, chaque demandeur d'asile est forcé d'accepter le service militaire obligatoire pour les étrangers, afin d'obtenir le droit de demeurer en France. Les demandeurs d'asile deviennent ainsi des soldats du travail. Environ 6 000 « Espagnols rouges » s'engagent dans des Régiments de Marche des Volontaires Étrangers (RMVE) et dans la Légion étrangère.

Durant la Bataille de France, les volontaires étrangers paient leur engagement de leur vie : le 1er RMVE est décimé à la ligne Maginot. Le 2e RMVE en Alsace rend les armes faute de munitions. Les 11e et 12e régiments d´infanterie de la Légion étrangère perdent les trois quarts de leurs effectifs sur la ligne Maginot. La 13e Demi-brigade de la Légion étrangère (DBLE) combat à Narvik, elle se retire en Angleterre et participe à partir de 1944 à la libération de la France.
 
Emploi sur la ligne Maginot
Environ 90 000 réfugiés espagnols sont requis comme « prestataires » pour l'économie de guerre de la France : 40 000 sont recrutés individuellement dans les entreprises, 55 000 sont incorporés par l´armée dans des « Compagnies de Travailleurs Étrangers » (CTE). En avril 1940, presque tous les « Espagnols rouges » sont incorporés dans plus de 200 compagnies, seulement 3 000 déclarés inaptes demeurent dans les camps d´internement.

La grande majorité des Compagnies est employée sur la ligne Maginot. Cette chaîne de bunkers souterrains longue de mille kilomètres, du nom du ministre de la guerre André Maginot, est construite en face de la ligne de fortifications allemandes« Siegfried ».

Quand l'armée allemande attaque la France en mai 1940, les chars allemands contournent la ligne Maginot en passant par les Ardennes. Les « Espagnols rouges » se retrouvent sans armes sur le front : 5 000 d’entre eux meurent durant les combats, 7 000 sont capturés par la Wehrmacht.

Déportation dans le IIIe Reich
Le 20 août 1940, les occupants allemands procèdent à la première déportation de civils d'Europe occidentale vers le Reich. Les victimes sont 927 familles espagnoles dans un camp de réfugiés à Angoulême. Les hommes débarquent dans le camp de concentration de Mauthausen, 
les femmes rentrent en France et sont remises à la police espagnole.

Les « Espagnols rouges » des CTE sont dans un premier temps internés dans des camps (Frontstalags) avec les prisonniers français. Les soldats français sont déportés dans des Stalags sur le territoire du Reich, seuls 60.000 prisonniers coloniaux demeurent en France pour des raisons
d'« hygiène des races ».Les 7.000 Espagnols capturés ne sont pas considérés par l’Allemagne comme des prisonniers de guerre : selon un ordre d'Adolf Hitler du 25 décembre 1940, ils sont envoyés dans des camps de concentration nazis.

Au total, près de 10 000 Espagnols sont déportés dans divers camps de concentration du Reich allemand. Parmi eux se trouvent des hommes politiques tels que Francisco Largo Caballero, de nombreux combattants de la résistance tels que Jorge Semprún ou Neus Catalá, ou encore des travailleurs forcés évadés comme le peintre Arthur Escoriguel.
Travail forcé au camp de Mauthausen
 
Plus de 10 000 « Espagnols rouges » effectuent des travaux forcés dans le IIIe Reich, dont la grande majorité dans le camp de concentration de Mauthausen, le plus important camp de concentration en Autriche. Environ 100 000 personnes de diverses nationalités ont été tuées dans ce camp et ses annexes.

Le camp de Mauthausen était le seul camp de concentration nazi de la catégorie III. La catégorie III signifiait une « annihilation par le travail ».L’une des plus grandes atrocités pratiquées dans le camp était
« l’escalier de la mort », un escalier en pierre reliant la carrière au camp de concentration. Les détenus devaient porter des blocs de granit plusieurs fois par jour en gravissant les 186 marches.

Des 9 000 « Espagnols rouges » déportés de France, 6 000 sont morts dans le camp de concentration de Mauthausen. Le 5 mai 1945, les troupes américaines libèrent le camp. Mais pour les détenus espagnols survivants, l’Espagne les prive de leur nationalité. Ils sont considérés comme « traîtres à leur patrie ».

 
Internement sous le régime de Vichy
Après la défaite française en août 1940, un régime autoritaire et collaborationniste siégeant à Vichy accède au pouvoir. Dirigée par le maréchal Pétain, âgé de 84 ans, la France de Vichy applique une politique répressive contre les juifs, les étrangers, les communistes, les francs-maçons et les homosexuels. 

En juillet 1942, 76 000 juifs sont déportés depuis les camps de la zone libre vers les camps de la mort. 86 000 Français et étrangers persécutés politiquement sont également déportés dans les camps de concentration allemands. À partir de 1943,  plus de six cent mille jeunes Français sont envoyés en Allemagne dans le cadre du service du travail obligatoire (STO).

Les immigrés espagnols en France sont sous surveillance, et les réfugiés espagnols qui ne souhaitent ni émigrer ni retourner en Espagne sont envoyés dans des camps d'internement et de travail dans la zone libre.

 
Travail forcé pour le régime de Vichy
 
Les « Espagnols rouges » de la zone libre ne sont pas déportés vers le IIIe Reich. En revanche, ils sont victimes de la politique répressive du régime de Vichy, qui crée son propre système de camps de travail pour eux, mais aussi pour des étrangers sans ressources, juifs, politiques .

La nouvelle loi du 27 septembre 1940 sur les « étrangers en surnombre dans l'économie nationale » permet d'incorporer tous les réfugiés espagnols de plus de 18 à moins de 55 ans dans des « Groupements de Travailleurs Etrangers » (GTE).

Les « Espagnols rouges » sont les premiers  travailleurs forcés du régime de Vichy. Plus de 30 000 Espagnols et 10 000 autres étrangers travaillent durant quatre ans sans salaire sous le contrôle d’un nouveau « Commissariat à la lutte contre le chômage » dans l’agriculture et l’industrie de la zone libre.

A partir de 1941, les Espagnols de la zone occupée sont incorporés dans les GTE. Pour les réfractaires, Vichy crée des GTE disciplinaires. Environ mille travailleurs juifs sont regroupés dans des groupes « palestiniens » et déportés en 1942 dans les camps de la mort en Allemagne nazie. A partir de 1943, Vichy crée ses propres GTE dans les ports atlantiques en zone occupée (Groupement 8).
 
 
Internement en Afrique du Nord
Le régime de Vichy dispose durant la Seconde Guerre mondiale du deuxième empire colonial au monde avec des colonies en Afrique du Nord, en Afrique de l'Ouest, en Afrique centrale, en Amérique, en Asie et en Océanie.

A la fin de la Guerre d’Espagne, environ 10 000 républicains espagnols se réfugient en Afrique française du Nord. 2 000 d'entre eux embarquent sur le « Stanbrook » qui appareillera d’Alicante en mars 1939.

En Afrique du Nord, l’administration coloniale fidèle à Vichy crée également un réseau de camps d’internement et de travail où des Français, Nord-Africains et étrangers - dont beaucoup d'intellectuels européens - vivent dans des conditions extrêmement dures.

Des nationalistes nord-africains, des communistes et anarchistes déportés de la métropole sont également internés en Algérie, parmi lesquels de nombreux Espagnols du camp du Vernet, dont l'écrivain Max Aub. Le plus grand camp est installé à Djelfa (Algérie) pour 2500 Espagnols, communistes, membres des Brigades internationales et juifs.

Travail forcé pour le « Transsaharien »
 
Environ 2 000 « Espagnols rouges » sont employés sur le chantier de construction d´un chemin de fer à travers le désert, le « Transsaharien ». Ce projet de 3 000 kilomètres de voie ferrée est censé relier l'Algérie au Mali où depuis 1928 des milliers de travailleurs forcés africains plantent du coton pour l'Office du Niger. Le régime de Vichy tente ainsi de réaliser un vieux projet colonial en reliant l'Afrique de l'Ouest à l'Afrique du Nord.

Ces travailleurs forcés sont des Espagnols, des juifs, des communistes et des Maghrébins qui tous vivent et travaillent dans des conditions extrêmement dures. Les réfractaires sont envoyés dans un camp disciplinaire à Hadjerat M´Guil. Les surveillants de ce camp seront condamnés à mort après la guerre.

En 1941, une partie de la voie ferrée est inaugurée par le ministre du transport Berthelot. Au moment du débarquement allié en septembre 1943, 46 kilomètres seulement seront terminés. Après la guerre, le projet est finalement abandonné. Les « Espagnols rouges » ont été durant trois ans victimes de la folie des grandeurs coloniales du régime de Vichy.

Internement dans l’Organisation Todt
 
L'Organisation Todt (OT) est une organisation de génie civil créée par le régime nazi en 1938 pour la construction des fortifications dans le IIIe  Reich. Cette unité paramilitaire, dirigée d´abord par l'ingénieur Fritz Todt puis par l'architecte Albert Speer, accompagne l'armée allemande sur tous les fronts en Europe.

L´OT est chargée de tous les travaux de génie et devient un pilier de la machine de guerre nazie. Durant la Seconde Guerre mondiale, elle est directement subordonnée à Hitler et devient le plus grand employeur civil en « Europe Hitlérienne » : début 1944, l'OT emploie un million et demi de volontaires, requis, forçats et détenus des camps de concentration.
Les projets les plus importants de l'Organisation Todt sont réalisés en France occupée. En coopération avec des entreprises allemandes et françaises,  elle construit des bases sous-marines, des lignes de fortifications et des rampes de lancement pour missiles.

L'OT demande constamment de la main-d’œuvre au régime de Vichy pour ses nombreux chantiers. Vichy livre d'abord des « coloniaux », puis des juifs et des Espagnols à l´OT. A partir de 1943, des milliers de Français sont finalement enrôlés dans l'Organisation Todt dans le cadre du STO.

Travail forcé pour les bases sous-marines
 
Après l'Occupation de la France en 1940, le IIIe  Reich transfère sa flotte de sous-marins sur la côte atlantique. Afin de protéger les sous-marins des bombardements alliés dans les ports français, la marine allemande entame la construction de gigantesques bases de Brest, Lorient, Saint-Nazaire, La Rochelle et, plus tard, à Bordeaux et Marseille. L'Organisation Todt signe alors des contrats lucratifs avec des entreprises allemandes et françaises qui amènent leurs spécialistes avec elles, alors que l'occupant fournit les matériaux pour les chantiers.

Le gros de la main-d’œuvre est constitué de Français, de prisonniers de guerre Africains, Soviétiques et Italiens ainsi que d’Espagnols déportés de la Zone libre. Une « commission Todt » se rend dans les GTE de la Zone libre et tente de trouver des volontaires pour un départ en zone occupée. Les volontaires sont rares, et l’Etat Français décide de livrer les « Espagnols rouges » à l´occupant. Environ 35 000 Espagnols doivent travailler pour l'Organisation Todt en zone occupée. Début 1944, le Régime de Vichy crée également des GTE dans les ports atlantiques (Groupement 8).
 
ZOOM : « Espagnols rouges » à la caserne Niel
La caserne Niel porte le nom du maréchal Adolphe Niel. Elle fut construite sous le Second Empire pour le stockage des marchandises. En 1875, l'armée française achète les bâtiments pour y héberger une unité de transport. 

Durant la Seconde Guerre mondiale, la caserne est réquisitionnée par l'armée allemande pour y interner 3 000 réfugiés politiques de la Guerre d’Espagne déportés de la zone de Vichy. Ils sont employés par l’Organisation Todt et travaillent à la Base sous-marine allemande en construction dans le bassin à flot.  

Le camp de la caserne Niel est dirigé par le germano-espagnol José María Otto Warncke, chef de camp et agent de liaison de l’Organisation Todt avec les travailleurs espagnols. Durant les travaux de la Base sous-marine, au moins 68 Espagnols trouvent la mort.

A partir de 1943, près d'un millier de travailleurs espagnols s'évadent de la caserne Niel. Beaucoup rejoignent la Résistance, quelques-uns s’intègrent aux  bataillons « Gernika » et « Libertad » pour participer à la libération du Médoc, en avril 1945.

Après la guerre, la caserne est reprise par l'armée française jusqu'en 2005. En 2008, elle est vendue par la ville de Bordeaux au projet Darwin qui la transforme en un lieu culturel et écologique.

L'écosystème Darwin attire chaque année un million de visiteurs et la caserne Niel est, avec la Base sous-marine, un important lieu de mémoire de la Seconde Guerre mondiale à Bordeaux.

Internement sur les îles Anglo-Normandes
 
En juin 1940, la Grande-Bretagne déclare les îles anglo-normandes « zone démilitarisée », et l'île d'Aurigny est évacuée. Puis, en juillet, Hitler ordonne des préparatifs pour un débarquement en Angleterre. Le débarquement est ajourné, seules les îles anglo-normandes sont occupées par la Wehrmacht.

Étant le seul territoire britannique sous contrôle allemand, les îles anglo-normandes revêtent une valeur symbolique pour le régime nazi. Suite à l’ordre d'Hitler du 20 octobre 1941, elles sont transformées en « forteresses imprenables ». Cependant, afin de ne pas mettre en danger la population, les îles ne seront jamais attaquées par les Alliés.

L'Organisation Todt construit de nombreux camps sur les îles anglo-normandes dont un camp de concentration baptisé « Sylt ». Environ 4 000 Espagnols rouges sont déportés dans les îles. Un travail pénible, une sous-alimentation constante, des maladies, des punitions et des exécutions dominent le quotidien des détenus. Le chef de camp Adam Adler et le contremaître de l’OT Heinrich Evers seront condamnés après la guerre.

En été 1944, tous les travailleurs forcés sont évacués des îles et déportés dans des camps de concentration du IIIe  Reich. Plus de 700 travailleurs sont morts sur l'île d’Aurigny durant l’Occupation allemande.
Travail forcé pour le  « Mur de l’Atlantique »
 
Le « Mur de l’Atlantique » est une ligne de défense édifiée le long des côtes de l’Atlantique, de la Manche et de la mer du Nord. Il a été planifié par le  IIIe Reich de 1942 à 1944 et en partie construit pour protéger « l'Europe hitlérienne »  d'une invasion alliée.

Déjà avec la déclaration de guerre des États-Unis en décembre 1941, Hitler exigeait une « ceinture de remparts » sur la côte atlantique. Après un débarquement manqué des troupes alliées à Dieppe en août 1942, Hitler ordonne la création d'un « Mur de l'Atlantique » et charge son « Renard du désert » Erwin Rommel des travaux.

L'Organisation Todt distribue en collaboration avec la Wehrmacht des contrats avantageux à des entreprises allemandes et locales du bâtiment et mobilise près de 300 000 travailleurs en France. La plupart des travailleurs sont des Français dans le cadre du STO, mais aussi des prisonniers de guerre africains, italiens et de l'Europe orientale, ainsi que des travailleurs forcés espagnols et juifs internés dans de nombreux camps.

À la veille du débarquement des Alliés en Normandie en juin 1944, environ huit mille bunkers sont achevés selon des plans standardisés. Mais le
« Mur de l'Atlantique » mal armé sera envahi le « Jour J » en quelques heures par les Alliés. Seules quelques « forteresses »  résistent en France et ne sont libérées qu'en mai 1945 par l'armée française et des groupes de résistants espagnols.
Libération de la France
Les « Espagnols rouges », avec 10 000 combattants environ, sont le plus important groupe d'étrangers dans la Résistance en France. Ils désertent en masse les camps de l’OT et les GTE afin de rejoindre la Résistance.

Après leur libération en Afrique du Nord en novembre 1943, les Espagnols rejoignent l'armée du général de Gaulle, et 150 d’entre eux de la Division Leclerc participent à la libération de Paris (« La Nueve »). Plusieurs villes dans le Sud de la France et des « forteresses » allemandes sont libérées par des résistants espagnols. En novembre 1945, le général de Gaulle ordonnent finalement la dissolution des GTE.

Après la Libération, beaucoup d'Espagnols ont espéré en vain une intervention alliée contre l'Espagne de Franco. Une grande majorité d'entre eux restera exilée en France. Beaucoup adopteront la nationalité française et s'intégreront, certains choisiront de demeurer apatrides, d'autres passeront du statut de réfugié à celui d’émigré après la guerre.

 
Indemnisation par l’Allemagne




 
Dans l'après-guerre, des milliers d'anciens travailleurs espagnols du « mur de l'Atlantique » réclament une indemnisation à la République fédérale d'Allemagne, se considérant persécutés politiquement au même titre que les prisonniers espagnols des camps de concentration du IIIe  Reich.

Les autorités allemandes refusent leur requête sous prétexte qu’ils étaient volontaires dans l'Organisation Todt. Avec l'aide des avocats, les
« Rotspanier » portent plainte devant la justice allemande. Une enquête approfondie est ouverte par le tribunal régional supérieur de Cologne : des centaines de témoins sont interrogés, dont l'ancien chef de l'Organisation Todt Albert Speer.

Enfin, les juges allemands décident que les "Rotspanier" ont été persécutés politiquement par l'occupant allemand et doivent être indemnisés conformément à la loi en tant que victimes du national-socialisme.

Les « Rotspanier » sont les premiers travailleurs forcés à être indemnisés par la République fédérale d'Allemagne. Ce n’est qu’en 2000 que la République fédérale réunifiée a créé un fonds officiel pour l’indemnisation des travailleurs forcés sous le IIIe Reich.
Mémoire en Europe
 
Le camp de concentration de Mauthausen et le camp d'internement de Rivesaltes sont aujourd'hui d'importants lieux de mémoire du fascisme en Europe.

En revanche, les travailleurs forcés espagnols de l´Organisation Todt et du régime de Vichy demeurent oubliés.Les camps de l'OT en France demeurent inconnus en Allemagne, seule la mémoire des Brigades internationales est encore présente dans l’ancienne Allemagne de l’Est.

En France, les descendants des « Espagnols rouges » se battent encore pour obtenir une reconnaissance officielle par la République française.Jusqu'à présent, seule la ville de Paris et de nombreuses initiatives locales ont honoré les « Rotspanier » à travers des plaques, alors que leur travail obligatoire dans les GTE a seulement été validé comme période de cotisation pour la retraite.

Les îles anglo-normandes rendent hommage à tous les travailleurs forcés de l'Organisation Todt, tandis qu’en Afrique du Nord, seuls les rails du
« Transsaharien » témoignent encore des camps du régime de Vichy.

En Espagne, le  franquisme et le post-franquisme ont longtemps occulté la mémoire de l'exil républicain.Les Espagnols déportés à Mauthausen font partie de la mémoire nationale, alors que l'exil espagnol en France est victime d'un oubli collectif.

Dans une période de migrations mondiales et de xénophobie croissante, cette exposition rend hommage à ces réfugiés, déportés et forçats oubliés de la Seconde Guerre mondiale.

© Peter Gaida 2019

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